23 mai 2024 / Fonction publique
Hommage à Samuel Paty et unité autour des valeurs de la République
En ce jour de rentrée scolaire, Samuel Paty ne reprend pas le chemin de sa classe au collège Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. Mes pensées vont d’abord à ses proches. A ceux qui l’ont aimé, sa fille, ses parents, son frère. Je pense également à ceux qui ne le verront plus servir : ses élèves, ses collègues enseignants, les personnels du collège.
Et aujourd’hui c’est son autre famille, la grande famille de la fonction publique, qui est en deuil et au nom de laquelle, avec vous, je tiens à lui rendre un solennel et fraternel hommage, en tant que ministre chargée de la Fonction publique, avec le ministre de l’Éducation nationale et l’ensemble du Gouvernement.
Je rends hommage au professeur. Il enseignait l’histoire et la géographie, mais aussi la liberté de penser, la tolérance et la fraternité. Plus que les enseigner, il les faisait vivre.
Ce qu’incarne Samuel Paty, c’est ce que nous attendons de chacun de nos enseignants ; et de tous nos agents publics. En abordant en classe la question de la liberté d’expression et celle de la liberté de croyance, il mettait en œuvre les principes fondamentaux du service public : égalité, neutralité, laïcité.
En cela, Samuel Paty était bien un « faiseur de républicains ». Son décès tragique nous oblige.
Comme nous obligent les décès d’Imad Ibn Ziaten, Mohamed Legouad, Abel Chennouf, Ahmed Merabet, Franck Brinsolaro, Clarissa Jean Philippe, Damien Ernest, Brice Le Mescam, Aurélia Trifiro, militaires, policiers, fonctionnaires d’État ou territoriaux, tous assassinés ces dernières années sur notre sol au nom de l’idéologie islamiste. Et je pense également à ceux qui ont été blessés ou meurtris.
Ils étaient des remparts de la République. Parce qu’ils étaient ces remparts, ils sont devenus des cibles. Quand un agent public est attaqué, dans l’exercice de ses missions, c’est la République qu’on attaque.
Parce que Samuel Paty avait cette mission, parce que chaque agent public porte cette responsabilité, nous devons les défendre de manière systématique et implacable.
Le statut général de la fonction publique le prévoit : l’administration est tenue de protéger tous les agents publics contre les atteintes volontaires dont ils sont victimes.
Les personnes dépositaires de l’autorité publique et personnes chargées d’une mission de service public font l’objet d’un nombre croissant d’agressions et d’incivilités.
Parfois physique, cette menace est aussi de plus en plus souvent numérique. Elle prend la forme d’un harcèlement systématique et d’un déferlement de haine via les réseaux sociaux. Cette haine cible des agents publics, les nomme, montre leurs visages et parfois ceux de leurs proches. Nous ne pouvons pas tolérer qu’un agent soit menacé et harcelé, craigne pour lui-même et pour les siens, pour le seul motif qu’il sert la République.
Cette menace prend aussi une forme quotidienne et insidieuse. Je mesure que nos agents, administratifs, soignants, pompiers, forces de sécurité, enseignants, de manière générale, tous ceux qui peuvent être au contact du public, rencontrent trop souvent dans leurs classes, dans les hôpitaux, aux guichets des services de l’Etat ou des collectivités territoriales, lors des interventions sur le terrain des postures de contestation, d’injure, d’agressivité voire d’outrages.
Je le redis aujourd’hui : nous faisons face à l’exigence impérieuse de mettre fin au « pas de vague ». Nos agents ne doivent plus se sentir seuls face à ces agressions.
Nous devons faire en sorte que la République fasse bloc aux côtés de ses agents.
Rendre effective cette protection : c’est l’objet de la circulaire que j’ai signé ce jour avec le Garde des sceaux, le ministre de l’intérieur et la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté. Ce texte est d’application immédiate.
Ce que je demande à tous les cadres de proximité, au plus près des agents concernés, et aux cadres dirigeants d’exercer pleinement leurs responsabilités en la matière. Vous devez utiliser systématiquement et avec réactivité les leviers juridiques et opérationnels qui sont à votre main. Aujourd’hui, le recours à la protection fonctionnelle dans les situations les plus difficiles est trop rare et trop lent. Votre réponse doit être immédiate.
La menace numérique et la réponse nouvelle qu’elle appelle doit appeler de votre part une vigilance redoublée. Vous devez en premier lieu soutenir l’agent. Vous devez porter plainte avec lui, effectuer un signalement. La plate-forme PHAROS du ministère de l’Intérieur, saisira un service d’enquête pour réponse opérationnelle. Il s’agit de couper court à tout contenu qui contribuerait à inciter à la haine ou à faire l’apologie du terrorisme, mais aussi à tout type de harcèlement ou d’agression.
Nous avons pu mesurer à quel point cette mobilisation en ligne contre un agent, d’abord faite de mots, peut déstabiliser les personnes et les institutions. Et jusqu’à quel degré d’atrocité elle peut mener. Il n’existe pas dans ce cadre de petite cabale. Aucun lynchage même écrit ou verbal d’un agent public n’est acceptable.
Pour vous appuyer dans l’exercice de ces responsabilités, avec le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice, nous renforcerons la possibilité de sanctionner ceux qui menacent nos agents. Il s’agit notamment de prévoir la sanction pénale pour ceux qui font pression sur les agents, et pour ceux qui mettent en ligne des informations personnelles mettant en danger la vie d'autrui, d’autre part.
Je souhaite enfin mettre en place un dispositif de suivi renforcé des atteintes à l’intégrité des agents publics dans leur mission.
Aux côtés des agents publics comme des employeurs, j’entends déployer dans toutes les administrations des référents laïcité. Ces référents joueront le rôle de vigie, de lanceurs d’alertes et d’appui des agents et des cadres. Et je veillerai à systématiser les formations sur ces sujets sensibles.
Le Président de la République l’a dit : « Ils ne passeront pas ». C’est collectivement que nous ferons barrage aux menaces, aux agressions auxquelles nos agents publics peuvent faire face pour la seule raison qu’ils font vivre nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.